APPEL À COMMUNICATIONS
MAINTENANT CLOS
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Depuis quelques décennies, d’importants changements bouleversent le monde du travail : l’essor des technologies numériques, l’éclatement des frontières de l’entreprise, la refonte des chaînes mondiales d’approvisionnement, les changements climatiques, les épisodes pandémiques, l’évolution des identités et des valeurs, l’agitation politique et la résurgence des tensions géopolitiques et la refonte des politiques publiques, pour ne nommer que ceux-là.
Ces changements engendrent des effets étendus et profonds. On assiste à l’éclatement des communautés, gagnées par une recrudescence des violences politiques et de l’anomie sociale, puis divisées entre le nationalisme économique, la protection de l’emploi et le développement durable. On constate également des tendances marquées par l’intensification, l’extensification, la marchandisation et la dématérialisation du travail ainsi que par la fissuration des milieux où il s’exerce. La multiplication des atteintes à la vie privée, l’individualisation des risques sociaux, l’intensification des flux migratoires et l’accroissement des disparités de revenus et de pouvoir, y incluant géopolitique, sont également des répercussions de ces perturbations.
Ces effets sont, pour la plupart, contraires à l’idéal d’un travail de qualité, c’est-à-dire inclusif, innovant, productif et sain. Un travail dans lequel les individus sont à l’abri d’une insécurité excessive, d’une perte de contrôle sur l’exécution de leur travail, de conflits d’allégeance entre vie personnelle et vie professionnelle et qui leur assure des moyens d’expression individuelle ou collective. Ces effets sont aussi incompatibles avec l’atteinte de sociétés meilleures, plus justes, pacifiques, durables, ouvertes et démocratiques.
Ces bouleversements ouvrent cependant la voie à différentes formes d’expérimentations, lesquelles sont le reflet de la résilience et de la mobilisation des acteurs du monde du travail. Ces expérimentations, souvent menées dans un contexte de grande incertitude, visent différentes finalités et produisent des résultats très variés. Si dans certains cas, ces expérimentations exercent un effet positif sur la qualité du travail et des sociétés dans lesquelles nous vivons, il importe également de mieux saisir pourquoi, dans certaines circonstances, ces processus d’expérimentation ont peu d’effet, voire induisent une détérioration de la qualité du travail et des sociétés dans lesquelles il s’exerce.
Le défi consiste à décrire, analyser et comparer ces expérimentations – y incluant celles menées en réponse aux grands défis de notre époque (qu’il s’agisse, entre autres, des tensions géopolitiques, de la Covid-19 ou de la crise climatique) – afin de mieux comprendre comment certains acteurs ou groupes d’acteurs s’approprient, mobilisent et transforment les institutions de régulation au profit d’une amélioration (ou d’une détérioration) de la qualité du travail ou des sociétés dans lesquelles il s’exerce, puis tirer des leçons de ces processus d’expérimentation.
Cet appel vise des propositions de communication ou d’atelier révélant des situations où se déploie le pouvoir d’expérimentation des acteurs, qu’ils soient syndicaux, patronaux, gouvernementaux, issus de la société civile ou agissant collectivement. Les organisateur.trice.s de ce colloque désirent recevoir des propositions de communication et d’ateliers qui explorent diverses formes d’expérimentations, les processus qui les sous-tendent et les effets qu’elles produisent sur la qualité du travail et de nos sociétés.
Ces expérimentations peuvent impliquer l’abandon, la recombinaison ou la création de cadres juridiques ou réglementaires, de pratiques organisationnelles ou de gestion, de modes de prestations sociales, de types de gouvernance locale, régionale ou sectorielle, de modèles d’acquisition de compétences, de représentation collective ou de pactes sociaux ou environnementaux, etc.
L’exploration des effets que produisent ces expérimentations sur la qualité du travail pourra faire intervenir une ou plusieurs des dimensions suivantes :
1) La répartition des risques sociaux – la façon dont les individus tracent leur trajectoire au travail et dans les autres sphères de leur vie (ex. personnelle, à la retraite), la façon dont le risque et les opportunités sont individualisés ou mutualisés, la manière dont les inégalités, la richesse et les opportunités sont réparties, au travail et plus largement dans la société ;
2) La subordination et l’autonomie au travail – la dignité, la santé et la sécurité, la variété et l’intensité du travail, la possibilité d’agir sur l’organisation du travail, les facteurs psychosociaux au travail, la possibilité de négocier les frontières entre le travail et la vie hors-travail ;
3) L’expressivité et la démocratie au travail – les opportunités d’épanouissement personnel, l’acquisition de compétences et de capacités collectives, les choix de parcours de vie, l’expression démocratique et la prise de parole au travail, les possibilités de s’engager dans le développement éthique et durable de l’entreprise, de l’organisation ou de la société.
L’exploration des effets que produisent ces expérimentations sur la qualité de nos sociétés mobilisera celle des stratégies et des actions susceptibles de faire le pont entre un travail de qualité et de meilleures sociétés. Elle pourra impliquer, notamment, l’examen de formes nouvelles ou repensées de solidarité et de partage de risques ; de stratégies de transition numérique et climatique justes ; du rôle de l’équité, de la diversité et de l’inclusion ; de formes alternatives de gouvernance corporative ; de politiques adoptées en réponse aux crises migratoires ; des institutions internationales et des mécanismes transnationaux permettant de réduire les inégalités de pouvoir et d’accroître les opportunités au sein des chaînes mondiales d’approvisionnement ; du rôle des écosystèmes innovants et inclusifs ; de nouvelles formes de délibération et de démocratie, etc.
Le travail est au cœur de la vie des gens : il donne un sens à l’activité humaine, structure les parcours de vie et fournit un vecteur d’intégration communautaire et sociétale. Si la dégradation du travail entraîne celle du tissu social, il est difficile d’imaginer l’essor de meilleures sociétés sans amélioration de la qualité du travail. Une amélioration qui découle de la capacité des acteurs à élargir et à diversifier leurs répertoires stratégiques. C’est pourquoi la résilience des acteurs, laquelle conditionne leur aptitude à s’engager dans les processus d’expérimentation, doit faire l’objet d’une attention particulière. Leur résilience s’exprime, par exemple, à travers de nouvelles interprétations, alliances, ressources, stratégies et capacités collectives, y incluant de résistance. Une meilleure appréhension de ces processus permettra d’affiner notre compréhension des acteurs sociaux, des logiques qui les animent et des expérimentations auxquelles ils se livrent. La mise en commun de ces expérimentations permettra également de mieux saisir pourquoi, sous certaines conditions, ces processus mènent à une amélioration ou à une détérioration de la qualité du travail, puis d’en tirer des leçons quant à leur potentiel d’avancement ou de recul des sociétés dans lesquelles nous vivons.