Récipiendaires

2021

M. Sébastien Parent
Doctorant, Université de Montréal

Dans sa thèse intitulée « Les droits et libertés fondamentaux du salarié au travers du prisme de la relation d’emploi », Sébastien Parent cherche à comprendre l’influence des normes spécifiques au droit du travail dans l’interprétation des droits fondamentaux de la personne salariée. 
 
La théorie des droits fondamentaux et le phénomène de constitutionnalisation du droit du travail annonçaient l’avènement de la citoyenneté au travail : titulaire de droits fondamentaux opposables aux pouvoirs étatiques dans la cité, le salarié devait aussi pouvoir les exercer devant la puissance patronale. Ces garanties sont, en effet, intrinsèques à tout être humain, universelles et inaliénables. Sous l’effet hiérarchique de la Charte québécoise, les droits et libertés se sont d’ailleurs introduits au sein de la relation d’emploi. En raison de leur formulation en termes généraux et abstraits, leur déploiement concret en milieu de travail nécessite toutefois l’intervention des tribunaux. 
 
À partir de l’étude des décisions ayant interprété la liberté d’expression et le droit à la vie privée au cours de la dernière décennie, les travaux du candidat démontrent que les juges du travail exploitent le caractère indéterminé des droits et libertés afin de les moduler aux prescriptions des normes composant le droit du travail, dont celles issues de la législation du travail, des contrats individuels et collectifs ainsi que des normes du milieu de travail. Ces sources traditionnelles du droit du travail conditionnent, dès lors, l’exercice des libertés du salarié dans l’entreprise et autorisent l’employeur à leur imposer plusieurs restrictions. La hiérarchisation des sources en droit du travail commande pourtant d’accorder une priorité aux garanties quasi constitutionnelles de la Charte québécoise par rapport aux normes ordinaires composant le droit du travail.
 
La thèse discute, ensuite, des conséquences importantes qui découlent de ce renversement de la pyramide des normes, tant en regard de la cohérence du système juridique que de la protection des travailleurs. Elle propose aussi des solutions afin que les statuts de salarié et de personne humaine puissent enfin être réconciliés.
 
Sébastien Parent complète actuellement le programme de doctorat à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Il détient un baccalauréat et une maîtrise en droit ainsi qu’un baccalauréat en relations industrielles de la même université. La pertinence de son projet de recherche a été soulignée par l’obtention de diverses bourses doctorales (FRQSC, Faculté de droit (UdeM), CRIMT et Fédération autonome de l’enseignement (FAE)). Au cours de son parcours doctoral, il a réalisé un séjour de recherche au Centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale (COMPTRASEC), à l’Université de Bordeaux. Ses diverses publications et interventions médiatiques au cours des dernières années démontrent un souci d’établir un dialogue autant avec les milieux académiques que les acteurs du monde du travail. Il contribue au Partenariat sur l’expérimentation institutionnelle et l’amélioration du travail (CRIMT-CRSH), en étudiant notamment le rôle de la mobilisation des Chartes et de l’aspect créatif du droit dans l’amélioration de la protection des travailleurs.

2022

Mme Majda Lamkhioued
Doctorante, Université de Montréal

Dans sa thèse intitulée Les conditions de travail abusives dans le secteur de la pêche en Afrique de l’Ouest : analyse sociojuridique des obstacles à la mise en œuvre du droit international du travail, Majda Lamkhioued se penche sur les obstacles à la mise en œuvre effective du droit international du travail pour protéger les travailleurs du secteur de la pêche en Afrique de l’Ouest. 
 
Depuis une dizaine d’années, de nombreuses enquêtes ont révélé au grand jour les conditions de travail déplorables au sein des chaînes mondiales d’approvisionnement dans le secteur de la pêche. Le travail dans le secteur de la pêche est en effet considéré par l’Organisation internationale du travail (OIT) comme l’un des plus dangereux. À bord des bateaux de pêche, les travailleurs doivent faire face à de multiples dangers et à des conditions de travail particulièrement dures en raison essentiellement des conditions météorologiques, et d’un environnement de travail glissant et en mouvement constant. 
 
À l’échelle mondiale, les abus des droits des travailleurs à bord des navires sont extrêmement difficiles à recenser puisqu’ils se déroulent loin des côtes, loin des regards, sans aucune possibilité pour les travailleurs de s’échapper ni d’avoir recours à la justice.
 
Ce projet de thèse étudie les impacts de la mondialisation et de la reconfiguration des chaînes d’approvisionnement dans le secteur de la pêche sur les droits des travailleurs ouest-africains. 
 
Il poursuit deux objectifs. D’abord, il vise à analyser l’application du droit international du travail et particulièrement la Convention de l’OIT (n°188) sur le travail dans la pêche, dans la région d’Afrique de l’Ouest. Dans un deuxième temps, grâce à une enquête de terrain au Sénégal, il s’agit de documenter de quelle façon se présente le recours par les travailleurs du secteur de la pêche aux protections offertes par le droit du travail.
 
En se focalisant sur les expériences vécues par les travailleurs lésés et leur usage des réglementations qui leur sont destinées, ce projet de recherche permettra de mesurer les effets des normes internationales du travail sur les conditions de travail des pêcheurs ouest-africains, mais également de comprendre le rapport qu’entretiennent ces pêcheurs avec les ressources juridiques à leur disposition. 
 
Les résultats de cette étude permettront de dégager des pistes d’amélioration des conditions de travail dans le secteur de la pêche non seulement pour la région d’Afrique de l’Ouest mais également pour l’industrie maritime en général confrontée à des défis similaires. 
 
Majda Lamkhioued est actuellement candidate au doctorat en droit à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Elle est titulaire d’un baccalauréat en science politique de l’ESPOL en France et d’une maitrise en droit international de l’Université de Montréal. Elle cumule plusieurs expériences professionnelles au sein d’ONGs et d’organisations internationales, dont la Division migration de main d’œuvre et développement humain au sein de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Genève. Elle a également réalisé différents mandats comme auxiliaire de recherche pour divers acteurs engagés pour la défense et la promotion des droits des travailleurs. Ses intérêts de recherche portent sur les politiques et pratiques permettant de prévenir les pratiques de recrutement abusives et l’exploitation par le travail dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.

2023

M. Alexandre Jetté
Doctorant, Université de Montréal

Dans sa thèse intitulée Les formes atypiques de la grève : perspectives en droit interne canadien, Alexandre Jetté propose de revisiter un phénomène social et juridique intrinsèque aux rapports collectifs de travail, la grève, dans ses formes ignorées ou interdites par le droit canadien. Il travaille sous la direction des professeurs Michel Coutu (Université de Montréal) et Julie Bourgault (Université du Québec en Outaouais).
 
En fonction de changements dans la jurisprudence de la Cour suprême du Canada en matière de liberté d’association, en particulier l’arrêt Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan de 2015 qui a accordé une protection constitutionnelle à l’exercice de la grève par des salariés, cette thèse s’intéresse au statut des grèves qualifiées atypiques. Celles-ci sont atypiques en raison de leurs revendications (par exemple, la grève de nature politique ou la grève en solidarité d’un autre groupe de travailleurs) ou en raison de leurs moyens entrepris (par exemple, le ralentissement de la production au travail ou la grève lors de la durée active d’une convention collective). Cette thèse s’intéresse à la question des grèves atypiques également en raison d’une conception plus large du droit de grève promulgué par le droit international, notamment le Comité de la liberté syndicale du Bureau international du travail, affilié à l’Organisation internationale du travail, mais également en raison d’observations récentes : les salariés, malgré les interdictions concernant plusieurs formes de grèves atypiques ont parfois recours à celles-ci, comme l’illustre les cas médiatisés de « sit-in » effectués par du personnel infirmier québécois.
 
Cette thèse cherche à répondre aux questions suivantes, une question de recherche globale et deux autres questions de recherche connexes. D’abord, de façon globale, les grèves atypiques sont-elles des composantes indispensables de la négociation collective et devraient-elles ainsi être protégées par la Charte canadienne des droits et libertés ? Ensuite, de façon connexe, remarque-t-on une tendance des salariés canadiens à inscrire leur recours à la grève dans des revendications dépassant le cadre strict de la relation d’emploi (des revendications politiques, sociales ou environnementales) et quels facteurs expliquent le recours par un groupe de salariés canadiens à une forme de grève atypique ?
 
Pour répondre à ces questions, cette thèse se basera sur les travaux des sociologues Max Weber et Guy Rocher qui concerne la légitimité du droit (des travaux postulant que la conduite des individus ou groupes peut converger ou diverger des normes juridiques étatiques) et des travaux de juristes américains critiques du modèle de relations de travail nord-américain provenant du National Labor Relations Act ou « Loi Wagner ». La réalisation d’une revue historique de l’exercice de la grève au Canada (d’un point de vue social et juridique) est proposée afin de déterminer la place qu’ont occupée les grèves atypiques et l’origine de la distinction entre grève typique et grève atypique. Par la suite, il sera effectué une analyse de la législation, de la jurisprudence et de la doctrine canadienne et d’autres législations pertinentes relativement aux grèves, en tenant compte des cas où les salariés ont été sanctionnés pour fait de grève atypique, brossant ainsi le portrait juridique de ce phénomène. Enfin, des acteurs du monde syndical québécois seront interrogés, dans le but de comprendre les implications dans les dynamiques syndicales de la question des grèves atypiques.
 
Alexandre Jetté est présentement candidat au doctorat à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Il est titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en relations industrielles effectuées à l’Université de Montréal. Fort de cette double appartenance disciplinaire, ses champs d’intérêt se situent au niveau du droit constitutionnel du travail, des rapports collectifs de travail et des transformations qui concernent le droit du travail en lien avec la mondialisation, l’arrivée de nouvelles technologies et les changements au sein des valeurs et des identités collectives. Il participe ainsi à divers projets s’inscrivant dans le cadre de la recherche menée par les professeurs Michel Coutu (Université de Montréal) et Ruth Dukes (Université de Glasgow), financés par le CRSH, sur la nouvelle constitution du travail. Ces travaux ont pour point de départ l’hypothèse selon laquelle il y aurait un impact accru des droits fondamentaux des salariés, en lien étroit avec les conventions de l’OIT relatives à la liberté syndicale, sur le droit des rapports collectifs de travail, causant de ce fait une nouvelle constitution du travail.